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Les “fausses nouvelles” de la Commission Européenne

par Herman Michiel
11 mai 2020

Traduction par Gauche Anticapitaliste  de l’article Het fake news van de Europese Commissie over coronahulp aan de lidstaten

 

L’Union européenne craignait que les élections européennes de 2019 ne soient menacées par une falsification délibérée des informations par des « puissances étrangères », (sous- entendu comme la Russie de Poutine ). Des initiatives ont été prises pour contrer la diffusion de fausses nouvelles et de désinformation, par exemple en assurant le suivi de la couverture sur les médias sociaux. « La désinformation est une information fausse ou trompeuse dont on peut vérifier qu’elle a été créée, présentée et diffusée dans un but de gain économique ou pour tromper délibérément l’opinion publique », écrit la Commission.

Dans cet article, je démontre que la présentation par l’Union européenne de son aide aux États membres dans cette crise du Covid-19 est une tromperie de l’opinion publique, et devrait donc être considérée comme une fausse nouvelle selon la définition de la Commission européenne elle-même !

Vous trouverez ci-dessous une présentation de la Commission sur le déploiement phénoménal des ressources financières au profit des États membres dans la lutte contre la crise du Corona-virus.

 

« L’UE mobilise toutes les sources possibles pour répondre rapidement, avec force et de manière coordonnée à la pandémie du coronavirus. Le montant total mobilisé à ce jour s’élève à 3 400 milliards d’euros », écrit la Commission. Waouw, 3400 milliards !  soit à peu près autant que le PIB de l’Allemagne !

Mais voyons comment on en arrive à ce montant astronomique, montant destiné uniquement aux besoins immédiats des autorités soudainement confrontées au virus. Notons qu’il ne s’agit pas encore de lutter contre la crise économique qui suivra immanquablement la crise du Covid-19.

Partons du graphique ci-dessus et commençons par le « triangle orange » de 100 milliards d’euros prévu pour « SURE » 1 qui permettra aux pouvoirs publics de contribuer au financement du chômage temporaire (largement utilisé par les entreprises). Cette approche est souvent présentée comme « intelligente » pour empêcher les gens de perdre leur emploi, mais il est de plus en plus évident qu’elle est massivement utilisée de manière abusive par les entreprises en prévision des licenciements à venir.

Mais au-delà de cela, la question demeure : où l’UE, qui ne dispose que d’un budget annuel d’environ 150 milliards d’euros, trouve-t-elle les 100 milliards d’euros pour SURE ? La réponse est plutôt choquante. Premièrement, les États membres doivent mettre volontairement 25 milliards d’euros sur la table en tant que fonds de garantie avec lequel la Commission européenne peut contracter des prêts pour un montant de 100 milliards d’euros. Par la suite, les États membres qui en ont besoin peuvent obtenir une partie de ces 100 milliards, mais sous la forme d’un prêt qui doit être remboursé plus tard et dont les intérêts doivent être payés annuellement comme pour tout prêt d’État.

Le deuxième triangle (bleu) de 200 milliards d’euros est destiné à soutenir les entreprises (un « bouclier de protection ») mais est alimenté de façon largement similaire au précédent : les États membres fournissent 25 milliards d’euros en tant que garantie (cette fois sur une base volontaire) par laquelle la Banque européenne d’investissement (BEI) encourage les banques privées à accorder des prêts aux entreprises.

Ensuite, il y a le triangle de 330 milliards d’euros. Il ne s’agit pas du tout d’argent « européen », mais d’aides que les États membres peuvent accorder (subventions, suppression ou report de certains impôts, etc.) parce que l’Union européenne a assoupli les règles budgétaires qu’elle impose aux États membres (équilibre budgétaire, dette publique inférieure à 60 %, etc.) dans cette situation de crise. Une fois de plus, il n’est pas question d’un seul euro d’une véritable « aide européenne ».

Cela nous amène au triangle vert de 240 milliards d’euros, celui qui a déjà été le plus souvent évoqué dans les médias. L’argent provient du mécanisme européen de stabilité (MES), créé comme un fonds sur lequel les Grecs ont été obligés d’emprunter pour rembourser leurs dettes envers les banques françaises, allemandes et autres. C’était peut-être à un rythme légèrement inférieur à ce que les marchés financiers auraient demandé, mais il y avait des conditions à cela : la réforme ! Privatisation, austérité, réduction des services sociaux, etc. C’est ce qu’on appelle la « conditionnalité » liée aux prêts accordés par le MES. Pour ce qui concerne les prêts consentis par le MES, il y a bien la promesse que dans le cadre de la crise du Covid-19, leur conditionnalité serait réduite au minimum (au grand mécontentement du ministre néerlandais des finances Hoekstra), mais ni l’Espagne ni l’Italie, les pays les plus touchés par le Corona dans l’UE, ne sont enclins à faire usage de ce fonds, en raison de sa sulfureuse réputation depuis la crise grecque. Ces pays étaient d’ailleurs partisans d’un « corona fund ». Une fois de plus, un montant de 240 milliards a donc été annoncé, mais pas un centime n’a été dépensé, et peut-être que pas un centime ne le sera.

Il y a aussi ce petit morceau de triangle vert foncé (70 milliards) provient directement du budget de l’UE et qui n’est donc pas un prêt. Mais là aussi, l’opinion publique est trompée, et si on applique la définition de la Commission européenne à elle-même, il s’agit de désinformation. Car il ne s’agit pas d’argent supplémentaire, mais, par exemple, d’un assouplissement des conditions d’utilisation des fonds structurels qui avaient déjà été accordés et qui peuvent maintenant être utilisés comme dépenses de crise ; une partie de l’argent non utilisé de cette enveloppe sera également mise à disposition.

Mais les fonds structurels et régionaux sont pratiquement les seuls dans l’UE pour lesquels il existe une solidarité via une contribution minimale à la réduction du fossé économique entre les pays et les régions… la réaffectation de ces fonds pour lutter contre le Corona-virus signifierait donc une réduction de l’intégration économique des parties les plus pauvres de l’Union.

La plus grande partie du gâteau, cependant, est la partie blanche, qui s’élève à 2 450 milliards d’euros. Il s’agit de montants dépensés, non pas par l’UE mais par les États membres sous forme d’aides d’État aux entreprises. Dès l’éclatement de la crise, l’UE a dû revenir sur l’un de ses principes fondamentaux, à savoir le rejet de principe de (la plupart) des aides d’État afin de ne pas mettre en péril « une concurrence loyale et non faussée ». C’est pourquoi l’UE autorise actuellement les États membres à augmenter leurs dettes en accordant des aides d’État aux entreprises, ce qui constitue l’élément le plus important dans la liste des mesures de soutien aux États membres.

Dès lors, jugez par vous-même : s’agit-il d’une information ou d’une fausse nouvelle ? De plus, le gouvernement allemand y voit une excellente occasion de renforcer encore sa position concurrentielle en Europe ; plus de la moitié des aides d’État déjà dépensées en Europe ont été accordées par l’Allemagne (un quart de l’économie européenne) à ses entreprises (Adidas, TUI Allemagne, Lufthansa…). D’autres États membres craignent que cela n’aggrave le déséquilibre économique dans l’UE.

Deux initiatives ne sont pas incluses dans le graphique. La première est le « PEPP » 2 qui permettra à la Banque centrale européenne (BCE) d’acheter jusqu’à 750 milliards d’euros de titres (actions, obligations) à des gouvernements et à des entreprises afin de maintenir des taux d’intérêt bas et d’injecter de l’argent dans « l’économie » (mais comme l’a montré la précédente série d’injections de fonds par la BCE, le résultat est plutôt faible et conduit à enrichir les riches et à augmenter les fonds spéculatifs qui ne contribuent pas à l’économie réelle).

La deuxième initiative a eu lieu récemment (le 4 mai) et consistait en une « fancy fair » ou une collecte de fonds (fundraising) organisée par la Commission européenne, où des philanthropes tels que le multimillionnaire Bill Gates pouvaient montrer leur bon cœur d’or en contribuant à une cagnotte de 7,4 milliards d’euros pour le développement d’un vaccin contre le coronavirus. Les Pays-Bas ont promis 192 millions d’euros, la Belgique 27 millions. On ne sait rien sur l’utilisation exacte de cet argent.

CONCLUSION

Soulignons qu’il ne s’agit pas encore des mesures qui devraient suivre pour remettre l’économie sur les rails. Pour celles-là, il règne un désaccord total au sein de l’Union , mais on peut sans se tromper prédire qu’elles creuseront des trous encore plus profonds dans les finances des états… Nous y reviendrons sans aucun doute.


 

Voetnoten

  1.  Pour mettre ces chiffres en perspective : le PIB des Pays-Bas (2019) était de 812 milliards €, celui de la Belgique de 473 milliards, celui de l’Allemagne de 3 435 milliards.
  2. PEPP : Programme d’achat d’urgence en cas de pandémie

 

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